jeudi, décembre 12, 2024
le centre de changement de gaz

la fabrication du gaz

La création de l’usine à gaz de Saint-Denis est décidée en 1882 pour couvrir le besoin croissant de Paris en gaz d’éclairage et de chauffage. Le gaz manufacturé (gaz de ville) est produit par distillation de la houille aussi l’usine dépend-elle étroitement du réseau ferré et des trains de charbon provenant des mines du Nord. Au sortir des fours et des stations d’épuration, le gaz est stocké dans des gazomètres télescopiques qui s’élèvent et s’abaissent en fonction de la quantité de gaz qu’ils contiennent. Ces « énormes cloches en fer boulonné » dont les plus grosses, hautes de 65 m, mesurent 75 m de diamètre, marquent durant plusieurs décennies le paysage de la Plaine.

L’usine emploie plusieurs centaines d’ouvriers bretons qui effectuent un travail difficile et peu qualifié. En 1946, la loi de nationalisation confie à Gaz de France la production, le transport et la distribution du gaz de Paris et, par conséquent, la gestion de l’usine. Dans les années 1970, l’alimentation en gaz naturel se généralise en Ile-de-France, aboutissant à l’arrêt de toute production sur le site, qui abrite aujourd’hui le centre de recherche de Gaz de France et le Stade de France.

Au cours du temps, différents systèmes améliorent la production du Gaz. la dernière cokerie construite dans la région parisienne est celle d’Alfortville à la fin des années 40. ces cokeries sont gloutonnes en charbon.

Le parc de Cornillon à Saint dénis doit en contenir des dizaines de milliers de tonnes. le silo qui alimente la chargeuse contient 4 000 tonnes. Un four est rempli de 18 tonnes de charbon et après 24h de distillation, ce même tour 16 tonnes de coke. La défourneuse, sorte de diplodocus armé d’une énorme poutre en T est chargé de pousser le coke incandescent hors de la chambre et de la faire tomber dans un wagon qui est mené sous la douche pour extinction.

Le Gaz après épuration, c’est à dire débarrassé de ses nombreux sous-produits dans des circuits compliqués, est stockés dans les gazomètres, prêts à l’utilisation. L’usine de Saint Denis alimente en partie Paris. D’énorme tuyaux transporte le gaz dans la ville à des points névralgiques ou il est détendu à l pression de distribution.

le gaz naturel

La découverte à Lacq au début des années 50, de gisement de méthane allait bouleverser la donne. Un gaz plus riche (9700 mth/m3 contre 4200 mth/m3) distribué à une pression de 18 millibars au lieu de 9 millibars permet d’offrir une énorme quantité d’énergie. Il suffit pour cela d’amener ce gaz chez l’abonné. Le réseau transport s’y emploie. Une réflexion d’abonné naïf: quand le lac sera vide? Cela faisait rire à l’époque. Maintenant Lacq est vide! Mais Hollande, Algérie, Russie ont pris la relève

Inconvénient, les qualités physico-chimiques de ce gaz sont très différentes du gaz de houille, il faut donc adapter tous les appareils existants à ce nouveau gaz, c’est le rôle du CCG (Centre de Changement de Gaz).

le centre de changement de gaz

En 1959 est créé ce centre, il démarre modestement. Il s’installe dans l’usine à gaz éteinte de La Villette. Il a fallu établir des normes, des techniques de conversion, du matériel, embaucher du personnel, le former. Le Service Technique et la DETN créent les normes et le Service Travaux va les mettre en application à travers le pays. Le personnel vient de mutations internes mais aussi des embauches à l’extérieur de gens venant de tous les coins du pays. C’est ainsi qu’un homme politique influent du Périgord, Robert L. fait venir de sa région de nombreux Périgourdins. Leur accent résonne curieusement aux oreilles des Parisiens et tout ce monde là est jeune et plutôt pétulant et les moins jeunes suivent la cadence. Rapidement les locaux de La Villette sont trop petits, on émigre alors à Gennevilliers, dans la cokerie.création de l’usine à gaz de Saint-Denis est décidée en 1882 pour couvrir le besoin croissant de Paris en gaz d’éclairage et de chauffage. Le gaz manufacturé (gaz de ville) est produit par distillation de la houille aussi l’usine dépend-elle étroitement du réseau ferré et des trains de charbon provenant des mines du Nord.

La progression du réseau de transport amène une intensification des activités de conversion. Donc le CCG s’organise pour faire face à la tâche. Le Service Travaux est divisé en Zone dirigée par un cadre. Cette zone est divisée en trois groupements eux-mêmes dirigés par un cadre. L’effectif d’un groupement est fluctuant, car son activité commence doucement, donc peu de monde et au fur et à mesure que la mise en gaz approche, la charge de travail augmente, des renforts arrivent.

Le Service Commercial et ses recenseurs sont passés chez tous les abonnés afin de relever tous les appareils à gaz en service, genre, marque, type etc. Ces recensements sont dépouillés, au début, à la main ( la batonnite) puis l’informatique (cartes perforées) prend la suite. Les listings sont établis, les matériels commandés.

le chantier

La subdivision ou le district de la ville concernée a préparé son réseau, ses points de coupures. Des locaux sont mis à la disposition du CCG mais aussi des entreprises qui font le plus gros des réglages d’appareils. Bureaux, ateliers, magasins, Là, on trouve de tout: du local confortable au trou sinistre. Mais bon, on n’est pas là pour faire du tourisme.

Dans les années 60, il y a peu de d’appareils domestiques adaptables, c’est à dire réglables par un simple changement d’injecteurs, il faut faire une préconversion. Il faut modifier les brûleurs,voire en fabriquer de nouveaux, prévoir un système d’injection adaptable, essayer l’appareil au gaz riche puis le remettre au gaz pauvre encore distribué dans la ville. Le gaz riche utilisé en atelier en l’absence du gaz naturel est de l’air propané. C’est un mélange dans des proportions adéquates d’air et de propane dans un mini gazomètre appelé Charledave. Tous les appareils à gaz, et la variété est très large: de l’allume-feu au brûle poils et becs d’éclairage et autre étranges instruments; mais surtout les appareils domestiques non adaptables sont ainsi préparés pour le nouveau gaz: gazinières, réchauds, chaudières, machine à laver (chauffées au gaz) etc. Les matériels professionnels sont également préconvertis (charcuteries, boulangeries, restaurants, machines à café des brasseries. Les matériels des industriels, grands ou petits sont également préparés. La diversité de la clientèle, particuliers, commerçants, industriels a conduit à la spécialisation d’équipes de régleurs. Il y a là, des semaines de travail.

Le coût d’une préconversion est compensé sous forme de remise à l’abonné, les constructeurs font aussi un effort commercial. Avec le temps le parc domestique évolue, il y a beaucoup plus de matériels adaptables, ce qui modifie l’organisation des chantiers.

la mise en gaz

Le grand soir arrive, c’est la mise en gaz. Cela se passait en général le lundi soir, l’Unité envoie dans le réseau le nouveau gaz en remplacement de l’ancien. Des torchères, judicieusement situées dans la zone concernée, sont allumées pour purger les canalisations de l’ancien gaz. Les flammes sont scrutées (la couleur de flamme est différente), les pressions observées.

Pendant ce temps, dans la nuit, les régleurs ont converti les professionnels mais sans faire les réglages, la purge n’est pas finie, il faudra revenir quand celle-ci sera complète. L’activité pour ces équipes est cette nuit-là très, très intense: Les charcutiers, boulangers ne rigolent pas: le boudin, la baguette doit être sur l’étalage à l’heure. Et cela va durer quelques jours: fignoler les réglages, terminer ce qui n’était pas urgent.

Du coté domestique, cela commence le mardi matin, les prioritaires, sont les premiers réglés. En période froide, c’est le chauffage qui est réglé en premier. Selon les zones, ces réglages peuvent durer deux ou trois jours, il y a alors des grincements de dents, les gens ont froid. Le gros des réglages se fera dans la semaine mais aussi dans les jours suivants. L’intensité du travail diminue, on assure les réclamations, les litiges. Et on prépare la zone suivante.

La charge de travail est telle que les agents du CCG ne peuvent assurer ces conversions. Quatre ou cinq entreprises privées: Gazna, Therg, Phinélec, Save… se partagent le marché. Le CCG a alors un rôle de préparation, de contrôle de qualité, et de facturation sous forme de points. Une grosse équipe d’agents CCG est toujours chargée des réglages en parallèle avec les privées, c’est la ZOA.

L’expertise du CCG étant reconnue, on va délivrer le savoir en Hollande, en Suisse, en Angleterre et même en Iran! Là bas, l’expérience tourne court, c’est la révolution!

 

La région parisienne

C’est le gros morceau. D’abord la DGPBP, ce centre qui alimente toute la banlieue parisienne. Il y a là des millions d’appareils! L’organisation reste la même, plusieurs chantiers sont ouverts en même temps et sont judicieusement disposés géographiquement dans les banlieues. Le découpage des zones est prévu pour que la charge de travail dure une semaine, soit environ 3000 abonnés. La conversion de cette unité va durer des années.

Et puis Paris-Gaz. Encore un gros morceau qui va durer, lui aussi, des années. La base logistique est installée au Cornillon, à St Denis, elle est importante. La cokerie est toujours debout mais froide, sans vie, sinistre. On est loin du futur terrain de sport!

On ne trouve plus dans Paris de grosses industries mais une multitude d’entreprises plus ou moins importantes et leur matériels disparates, du chalumeau chaîniste à la fondeuse de plomb des imprimeries de journaux et à la flamme de l’Arc de Triomphe! Et les restaurants, cantines, charcutiers, boulangers et autres consommateurs de gaz…

la fin de la mission

En Juin 1979, on a bouclé les derniers chantiers, Paris, Vitré, St Brieuc. Depuis quelques années, la mutation des personnels a commencé vers les unités de leur choix. Ils n’y sont pas toujours bien accueillis, des Chefs de Centre se moquent pas mal des directives de la Direction Générale…

Les dernières mutations se feront dans les mêmes conditions, la chance pour certains, la malchance pour d’autres… Des millions d’abonnés, des millions d’appareils… Tout cela a eu un coût. Combien? L’agent de base n’en a aucune idée, mais cet investissement était sans doute nécessaire, le vieux gaz étant cher à produire et la planète ne regorge t’elle pas de gaz naturel !

André Lefebvre CCG 1960/1979

 

L’usine à gaz de saint denis

La création de l’usine à gaz de Saint-Denis est décidée en 1882 pour couvrir le besoin croissant de Paris en gaz d’éclairage et de chauffage. Le gaz manufacturé (gaz de ville) est produit par distillation de la houille aussi l’usine dépend-elle étroitement du réseau ferré et des trains de charbon provenant des mines du Nord. Au sortir des fours et des stations d’épuration, le gaz est stocké dans des gazomètres télescopiques qui s’élèvent et s’abaissent en fonction de la quantité de gaz qu’ils contiennent. Ces « énormes cloches en fer boulonné » dont les plus grosses, hautes de 65 m, mesurent 75 m de diamètre, marquent durant plusieurs décennies le paysage de la Plaine.

L’usine emploie plusieurs centaines d’ouvriers bretons qui effectuent un travail difficile et peu qualifié. En 1946, la loi de nationalisation confie à Gaz de France la production, le transport et la distribution du gaz de Paris et, par conséquent, la gestion de l’usine. Dans les années 1970, l’alimentation en gaz naturel se généralise en Ile-de-France, aboutissant à l’arrêt de toute production sur le site, qui abrite aujourd’hui le centre de recherche de Gaz de France et le Stade de France.