jeudi, novembre 14, 2024

Les candélabres de l’Exposition Coloniale de 1931

L’exposition coloniale internationale de 1931 s’est tenue à Paris du 6 mai au 15 novembre 1931, à la Porte Dorée et sur le site du bois de Vincennes, pour présenter les produits et réalisations de l’ensemble des colonies et des dépendance d’outre-mer de la France, ainsi que celles des principales puissances coloniales. Pour l’exposition on construit un ensemble de monuments représentatifs des colonies. Cet ensemble s’étend sur 110 hectares et son entrée principale est située à la Porte Dorée.
Environ 200 pavillons répartis dans l’exposition sont loués à des exposants particuliers (grandes entreprises, restaurants et buvettes, alimentation fine ou exotique,etc).
Un ensemble de bâtiments généraux complète l’exposition comme le Musée des Colonies et son aquarium tropical, le jardin zoologique. 300 000 personnes animent l’exposition et plus de 33 millions d’entrées sont comptabilisées, ce qui donne une estimation d’environ 8 millions de visiteurs.
Plan de l'Exposition Coloniale de 1931
Cet évènement a permis de présenter la technique et le savoir faire des entreprises françaises en matière d’éclairage public et de mise en lumière des monuments. La C.P.D.E (Compagnie Parisienne de Distribution d’Électricité) a pris en charge l’alimentation électrique du site.
 
Nous avons retrouvé un document très intéressant dans les archives de la C.P.D.E présentant de façon détaillée le matériel créé spécialement et mis en place sur le site. En découvrant ce petit livre, nous voulions vous faire partager, la grande technicité mise en œuvre et la créativité des éclairagistes de cette époque.

Les Candélabres Chenilles

Ces appareils équipaient la grande route qui ceinturait l’exposition. Chaque motif était supporté par une crosse en bois de 6m45 de hauteur, maintenant, par l’intermédiaire d’un grand tube de fer, 6 surfaces réfléchissantes en tôle emboutie placées les unes au-dessus des autres, le sommet dirigé vers le bas (fig 2).
Chaque élément, de 0,75 m de diamètre maximum, était peint en blanc mat et éclairé par des lampes à incandescence logées dans l’élément situé immédiatement au-dessous; l’éclairage du premier élément était assuré par une coupelle circulaire (fig 2). L’éclairage des six éléments et de la crosse était donc assuré par sept couronnes comprenant chacune 10 lampes de 40 watts, soit 70 lampes par motif, absorbant 2 800 watts. Dans un élément sur deux, la moitié des lampes était teintée en rose: cette lumière légèrement colorée donnait à l’ensemble un effet plus chaud. Au total, 333 chenilles furent installées, absorbant ensemble 932 kW.

Les Candélabres Chenilles

Ces appareils servaient à l’éclairage des voies secondaires de l’Exposition.
Les « Boucliers » étaient formés de deux surfaces de révolution coniques à axe horizontal et à génératrice courbe. Chacune de ces surfaces, en tôle emboutie, était rendue lumineuse par une lampe de 200 watts demi-dépolie (voir croquis fig 3).
Des coupelles métalliques masquaient complètement les lampes aux yeux du public; l’éclairage était obtenu uniquement par réflexion diffuse sur les surfaces coniques. ces surfaces, accolées par leur grande base et réparties face à face, tous les 20 m en bordure d’une voie de 10m de large, donnaient au sol un éclairement maximum de 7,2 lux et minimum de 1,6 lux. Le nombre total de boucliers accolés en service était de 170 : la puissance correspondante s’élevait à 68kW.

Les colonnes de l’avenue des Colonies Française

Ces colonnes bordaient l’allée la plus importante de l’Exposition. Chaque pylône rappelait les couleurs du drapeau français en utilisant des tubes luminescents, bleu (vapeur de mercure)et rouge (néon) se détachant sur un fond blanc éclairé par des lampes à incandescence; l’ensemble était couronné de volutes de vapeur colorées en bleu, blanc ou rouge.
Réalisation :
Ces 47 pylônes, placés de part et d’autre de l’Avenue des Colonies, étaient constitués de la manière suivante :
    • • Chaque colonne, de base hexagonale, était soutenue par un pylône central de 7,5m de hauteur, scellé dans le sol; le socle avait une hauteur de 0,5m et la colonne proprement dite une hauteur de 6m. Le corps de cette colonne comprenait 6 gorges en tôle assemblées par leurs bords, donnât ainsi la section représentée par le croquis (fig 1).
    • • Les gorges étaient revêtues d’un enduit blanc mat; devant chaque arête était placée une gouttière en tôle, de section en U, masquant une rangée de lampes à incandescence qui assuraient l’éclairage en blanc des gorges.
    • • Sur la face extérieure de ces gouttières étaient fixés les tubes luminescents alternativement bleus ou rouges; ceux-ci de 18mm de diamètre, étaient protégés dans leur partie basse par d’autres tubes de verre clair spécial très résistant
    • • A la partie supérieure de chaque pylône, une couronne placée à l’extrémité d’un conduit, laissait échapper de la vapeur d’eau (environ 25 litres évaporés par heure). L’éclairage de cette vapeur était assuré par un projecteur intensif placé dans un entonnoir logé dans la partie supérieure de la colonne.
    • • Une plaque de verre clair ou coloré (bleu ou rouge) protégeait l’appareil et permettait ainsi d’obtenir la coloration de la vapeur. La puissance des projecteurs était de 500 watts pour la couleur blanche et de 1 000watts pour les appareils munis d’écrans colorés. Chaque pylône absorbait 9kVA. Les appareils de commandes étaient enfermés dans chaque socle. 

L’espacement de ces éléments lumineux dans l’Avenue des Colonies était de 30m, suivant deux rangées distantes de 20m. Les éclairement relevés au sol étaient les suivants :

    • • Éclairement maximum : 90 Lux
    • • Éclairement minimum : 8 lux

Les candélabres Lotus

Ces motifs furent placés tout autour du lac Daumesnil. Ils étaient constitués par de grandes surfaces en staff en forme de feuilles de lotus, peintes en blanc et rendues lumineuses par des lampes placées à leur base.
Les lampes étaient dissimulées dans quatre bénitiers fixés à la tige; la puissance unitaire de ces lampes était de 300 watts; un autre foyer de 300 watts, placé à la parie supérieure du fût, éclairait les feuillages. Ces appareils étaient au nombre de 300 et consommaient au total 450 kW. La distance entre motifs était de 12 m; les éclairement suivants ont pu être relevés :
    • • Éclairement Maximum : 6,4 lux
    • • Éclairement minimum  : 2,8 lux

Eclairage avec projecteurs spéciaux

Quelques façades de bâtiments ont été éclairées avec des projecteurs spéciaux. Ceux-ci étaient formés d’un réflecteur extensif en aluminium sur lequel venait s’adapter un cône formé d’une partie réfléchissante en aluminium et d’une partie en verre légèrement dépoli; l’ouverture circulaire était fermée par une glace claire (fig 10). Ces appareils placés à 3 ou 4 mètres d’un mur, l’éclairaient avec une uniformité satisfaisante sur une hauteur de 10 mètres environ.
Les murs de la Section Portugaise étaient éclairés par des projecteurs composés d’une demi-lentille de Fresnel (fig 11). Ces appareils placés contre les murs permettaient d’obtenir un éclairage rasant de bonne uniformité.

Le musée permanent des colonies

Ce monument est décoré sur toute sa façade par de superbes bas-reliefs qu’il fallait mettre en valeur par un éclairage bien étudié. La solution adoptée consistait à utiliser des projecteurs de  très grandes ouvertures (appareils en tôle émaillée), placés à 2 mètres de la façade avec leur axe dirigé verticalement. La partie basse recevait donc le flux direct des appareils et la partie haute, une partie du flux direct et une grande partie de la lumière réfléchie par l’entablement (voir schéma fig 8).
Les projecteurs, d’une puissance unitaire de 1 500 watts, étaient au nombre de 28. Le soubassement du bâtiment était éclairé par 20 réflecteurs de 200 watts.
La puissance totale consommée s’élevait à 46 kW.

Eclairage de la Porte d’Honneur

L’éclairage de la Porte d’Honneur était réalisé au moyen de 22 pylônes de 15 m de hauteur. Ces pylônes de section carrée, supportaient à leur partie supérieure une surface diffusant de profil approprié, surmontant le pylône. Chaque pylône était équipé de 8 lampes de 500 watts. La puissance totale dépensée pour l’éclairage de la place s’élevait à 88 kW. L’éclairement moyen au sol était de 5 lux.

La Fontaine lumineuse : le Cactus

Cette fontaine avait une hauteur de 15 m, sa base avait 16 m de diamètre (fig 17). L’éclairage de cet ensemble était réalisé comme suit :
    • • 4 projecteurs étanches de 1 000 watts à faisceau concentré assuraient l’éclairage de la gerbe supérieure,
    • • 48 projecteurs de 250 watts à faisceau concentré, répartis par 4 à la base de chaque feuille, dirigeaient leur faisceau sur les douze gerbes inférieures et 48 projecteurs de 1 000 watts à faisceau concentré (quatre à la base de chaque branche) illuminaient les jets latéraux de 12 branches
    • • Le déversoir que formait chaque branche était éclairé au moyen de rampes de lampes de 25 watts espacées de 20 cm les une des autres; la longueur totale de ces rampes était de 320 m. Ces rampes en forme de gouttières réfléchissantes, de couleur blanc mat intérieurement, bordaient chaque branche,
    • • L’éclairage du corps de la fontaine était obtenu à l’aide de 750 lampes cylindriques de 60 watts placées dans chaque décrochement du tronc. Chaque lampe était munie d’un réflecteur en métal poli et protégée par une plaque de verre clair ou teinté.

La puissance nécessaire au fonctionnement de cette fontaine était de 250kW.

Jean-Jacques Le Moellic – Jean-Michel Berthod